L'assurance peut construire un avenir africain résilient au changement climatique

PUBLIÉ le 06 septembre 2023
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Lethiwe Moyo, agriculteur principal dans un champ de sorgho en bon état au Zimbabwe. Les risques climatiques constituent une menace croissante pour le secteur agricole africain.

Photo :
Anesu Freddy/PNUD Zimbabwe
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Linet Odera

Responsable régional de l'IRFF pour l'Afrique

L'Afrique, plus que tout autre continent, est touchée de manière disproportionnée par le changement climatique. Le récent rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) brosse un tableau sombre de l'avenir de l'Afrique, prévoyant de fortes précipitations, des inondations et des sécheresses agricoles, si les températures augmentent ne serait-ce que de 1,5°C. Une augmentation de 2,0 °C entraînerait des sécheresses agricoles et écologiques sur tout le continent, ce qui menacerait gravement la sécurité alimentaire et la réalisation des objectifs de développement durable d'ici à 2030.

Ajoutant de l'huile sur le feu de la crise climatique, l'Afrique reste le continent le moins résilient financièrement, avec une pénétration de l'assurance inférieure de moitié à la moyenne mondiale en pourcentage du PIB. Le paiement des primes est 11 fois inférieur à la moyenne mondiale, ce qui expose la population à des risques importants sans protection. Ce manque de résilience est un problème à l'échelle du continent qui nécessite une attention urgente.

Cette tendance dramatique s'inscrit dans un contexte de ressources financières limitées, tant au niveau national qu'infranational. Au fur et à mesure que les effets du changement climatique s'intensifient, les gouvernements sont contraints de détourner des fonds du développement durable vers la réponse aux situations d'urgence. Cette approche non structurée de la gestion des risques financiers est devenue évidente, exacerbée par une mauvaise compréhension des risques, une faible capacité de gouvernance et des priorités concurrentes.

Alors que des ressources importantes ont été consacrées à l'atténuation du changement climatique et à l'adaptation à ses effets, le rôle de l'assurance dans le renforcement de la résilience a été historiquement négligé. L'assurance agit comme un mécanisme de transfert des risques, offrant une protection cruciale contre les risques liés au climat, aidant à préserver les acquis du développement et encourageant la croissance. Alors que l'Afrique se prépare au Sommet africain sur le climat et à la COP28, il est essentiel de considérer l'assurance comme un outil clé pour renforcer la résilience financière face à l'escalade des risques climatiques.

Dans ce contexte, le Mécanisme de financement des assurances et des risques (IRFF) du PNUD, une initiative phare du Hub de la finance durable, travaille dans 30 pays pour fournir des solutions de protection innovantes, dont 11 en Afrique subsaharienne, et vise à s'étendre à 50 pays en développement d'ici 2025. Un élément clé de ce travail est le développement du financement du risque souverain et des solutions d'assurance inclusives, tout en investissant dans la transformation à long terme des marchés de l'assurance et dans la capacité des pays à gérer financièrement les risques à long terme.

Cependant, l'accessibilité financière reste un défi pour les gouvernements, les entreprises et les particuliers, tout comme une compréhension limitée des risques, une éducation financière inégale et un manque de capacité du secteur de l'assurance. Cette situation a été exacerbée par les pressions fiscales et économiques dans les pays africains vulnérables. L'adoption limitée de solutions d'assurance entraîne une diversification insuffisante des risques, une augmentation des coûts d'investissement et des coûts opérationnels, ainsi que des primes plus élevées, ce qui empêche les pays vulnérables de bénéficier d'une protection d'assurance. L'IRFF du PNUD est impliqué dans de nombreux projets à travers le continent pour aider les communautés à renforcer leur résilience financière.

Les inondations constituent un risque important au Nigeria, affectant de nombreux États et aggravant les conditions socio-économiques des populations urbaines pauvres, qui ne bénéficient pas d'une protection financière, l'assurance n'étant accessible qu'à 0,4 % de la population. En mai 2023, le gouvernement de l'État de Lagos, le PNUD, le gouvernement allemand et l'Insurance Development Forum ont lancé un projet d'assurance contre les risques d'inondation pour couvrir les citoyens contre les inondations urbaines. Ce projet s'est concentré sur le développement d'une solution d'assurance paramétrique afin de garantir des paiements rapides pour les secours d'urgence en cas de catastrophe et la (re)construction d'infrastructures de réseau essentielles.

Au Ghana, un groupe de travail interministériel, en collaboration avec le PNUD et des partenaires du secteur de l'assurance, élabore une solution de financement des risques d'inondation pour la région métropolitaine du Grand Accra (GAMA). Un plan d'urgence en cas d'inondation et d'autres documents politiques ont été rédigés, et une couverture innovante de l'empreinte des inondations par satellite est en cours de finalisation.

En Tanzanie, le PNUD et la FID travaillent en étroite collaboration avec le gouvernement pour développer un régime national d'assurance agricole et des stratégies de financement des risques de catastrophe. Cela s'aligne sur les processus nationaux et renforce l'environnement réglementaire avec des plans visant à examiner les capacités actuarielles actuelles et à organiser des sessions de tutorat en ligne pour les candidats à la certification actuarielle.

Pour soutenir ces projets, la Facilité a conclu des études diagnostiques sur les risques d'assurance au Ghana et en Tanzanie, fournissant un aperçu des défis et des opportunités pour l'assurance et le financement des risques. Le PNUD collabore avec des partenaires locaux pour améliorer l'environnement favorable et développer des solutions spécifiques à chaque pays.

En outre, les pays les moins avancés d'Afrique sont confrontés à des défis croissants liés au climat et à des ressources financières limitées, et manquent souvent des capacités techniques nécessaires pour gérer les risques sur le plan financier. Pour répondre à ces questions interdépendantes, l'initiative d'engagement de l'IRFF renforce les capacités de gestion des risques financiers aux Comores, au Sénégal et en Ouganda par le biais du développement des capacités, du soutien à l'élaboration des politiques et de la recherche.

Face aux défis climatiques croissants qui menacent l'Afrique de manière disproportionnée, l 'intégration de l'assurance et du financement des risques au cœur du développement, y compris le financement des primes et la fourniture de solutions abordables, n'a jamais été aussi cruciale. En exploitant ces outils, l'Afrique peut non seulement renforcer sa résilience face aux risques climatiques imminents, mais aussi ouvrir la voie à un avenir durable.